L’Iran admet que le pasteur Nadarkhani a été condamné pour motif religieux
Selon une information du 13 mars d’IB Times, l’Iran a publiquement admis que le pasteur Youcef Nadarkhani avait été condamné pour crimes religieux. La reconnaissance a eu lieu au cours d’une réunion du Conseil des droits de l’homme des Nations unies à Genève, et la représentation perse a défini les accusations, arguant que le pasteur était à l’origine d’une église de maison sans l’autorisation du gouvernement, qu’il avait prêché à des enfants sans l’autorisation des parents et, enfin, qu’il avait offensé l’islam. L’offense aurait été constituée par des insultes à des saints.
Youcef Nadarkhani a été condamné à mort en novembre 2010 et peut être pendu à tout moment, mais le pays qui pratique aussi des exécutions pénales secrètes a affirmé que le prédicateur était toujours en vie, au jour de la réunion. L’affaire continue de soulever un tollé international.
Marié et père de deux enfants, Youcef Nadarkhani n’aurait jamais imaginé que sa vie allait être défendue au niveau des plus hautes instances internationales et étatiques. Particulièrement en tête, la diplomatie allemande avec des prises de position réitérées de la chancelière Angela Merkel et de son ministre des Affaires étrangères ; une commission du Bundestag a signé une pétition demandant de le grâcier et le libérer.
En France, le Quai d’Orsay s’est dit préoccupé. En sus des nations, l’Union Européenne a fait entendre sa voix. Aux Etats-Unis, le président Obama et la Secrétaire d’Etat, Hillary Clinton, ont parlé en sa faveur ; la Chambre des Représentants a récemment voté un texte présenté par des députés chrétiens et un musulman libéral, demandant à Téhéran de relâcher et ne pas toucher à un cheveu du désormais mondialement connu prisonnier religieux (vidéo Fox News). Venant d’une famille musulmane non pratiquante, Youcef Nadarkhani s’était converti au christianisme à l’âge de 19 ans, et c’est notamment là que se justifie pour l’Iran la condamnation de ce pasteur d’un réseau d’églises de maison de 400 fidèles. Le musulman de naissance ne saurait changer de religion ou devenir athée sans être considéré comme apostat, même s’il ne pratiquait pas sa religion officielle. En Iran, si le code pénal ne criminalise pas l’apostasie, les codes religieux si. C’est d’ailleurs la loi religieuse qui a servi d’étai à la sentence, ses articles 513 et 514 faisant de l’injure aux saints musulmans, y compris aux dirigeants cléricaux de l’Etat iranien et à la religion. Trois jours avaient été donnés au pasteur pour abjurer sa foi chrétienne, c’est le délai accordé en islam pour revenir de son apostasie, après quoi la mort peut être infligée à n’importe quel moment. Youcef Nadarkhani a préféré tenir ferme dans ses convictions (vidéo ACLJ).
Alors quasi inconnu dans son pays, Youcef Nadarkhani avait protesté en octobre 2009, à l’école où étaient scolarisés ses fils, contre l’obligation faite à tous les enfants, même non musulmans, de suivre une instruction islamique.
Dans un premier temps, arrêté et inculpé pour avoir critiqué l’ordre du gouvernement, il avait ensuite été accusé d’apostasie et d’évangélisation de musulmans. Le pasteur refusant de céder, son épouse avait été arrêtée en juin de l’année suivante et condamnée à la prison à vie pour apostasie, avant d’être libérée en appel.
En novembre de l’automne suivant, la sentence mortelle a été prononcée contre le pasteur Nadarkhani. Face aux protestations internationales, Téhéran a prétendu que les charges étaient non pas l’apostasie mais l’intelligence avec Israël, le viol et l’extorsion. Les décisions de justice démontraient cependant qu’il n’en était rien, le jugement de la Cour d’assises de Gilan, en septembre 2010, avait été rendu sur la question de l’apostasie.
La décision s’achevait en rappelant l’origine Nadarkhani, « fils de Biram, né de parents musulmans, qui a choisi l’islam et l’a abandonné à l’âge de 19 ans », et en définissant sa culpabilité : « Conformément aux fatwas des théologiens chiites, ses actes sont qualifiables d’apostasie de la sainte religion musulmane. »
Même en cas de libération, un risque d’assassinat
Si l’Iran admet désormais que les charges à l’encontre de Youcef Nadarkhani concernent des motifs religieux, il prétend que le pasteur n’encourt pas la peine de mort. Mais outre les exécutions révélées après coup aux proches et aux avocats des condamnés, l’Iran a déjà pratiqué l’assassinat d’au moins un prisonnier gracié et libéré.
- En 1994, le pasteur Mehdi Dibaj, devenu chrétien à l’âge de 19 ans et condamné à mort à l’âge de 64 ans pour avoir renié l’islam, avait retrouvé la liberté le 16 janvier après une forte réprobation internationale face à la décision de justice. Enlevé le 24 juin de la même année, son corps fut retrouvé dans un parc le 5 juillet.
- Par ailleurs, trois jours après la libération du pasteur Dibaj, son collègue Haik Hovsepian, qui avait œuvré pour la campagne internationale et se rendait à l’aéroport, fut enlevé torturé et assassiné, et l’on découvrit son corps dans une rue de la capitale.
- Autour de la date du meurtre de Mehdi Dibaj, on découvrit le corps d’un autre pasteur, Tadeos Michaelian, tué de trois balles dans la tête. Les autorités prétendirent que ces meurtres étaient l’œuvre des Moudjahidins, un mouvement armée d’opposition au régime.
Les pratiques policières et judiciaires suivies par Téhéran sont fortement en porte-à-faux avec les principes pénaux assurant la sécurité juridique des personnes. « Pas de crime, pas de punition sans loi. », écrivait le pénaliste Beccaria en 1764, et le principe est quasi universellement reconnu, c’est celui de la légalité.
L’Iran prétend connaître ce principe dans l’article 179 de sa Constitution qui assure que :
« Aucun acte ou manquement ne peut être considéré comme un délit, sur la base d’une loi qui promulguée postérieurement à la commission de l’acte. » Ce qui n’avait pas empêché la condamnation du pasteur Dibaj.
De même, au début de l’année 2010, des opposants politiques au président Ahmadinejad avaient été exécutés pour avoir participé aux manifestations ayant suivi la réélection du dirigeant perse… alors qu’ils étaient déjà en prison lors de ces mouvements populaires. Une libération de Youcef Nadarkhani ne signifierait pas ainsi, et de loin, sa sécurité ni celle de ses proches.
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